"Je suis loin d'être une experte" 2/3
Identifier les causes pour mieux surmonter le syndrome de l'imposteur.
Après avoir retracé l’origine et la définition du syndrome de l’imposteur, explorons les différentes causes qui mènent à ce méchanisme psychique. Les informations rassemblées dans cette newsletter sont le fruit de mes recherches. Néanmoins, je ne suis pas psychologue et rien ne vaut un travail avec un·e thérapeute si vous souhaitez travailler en profondeur sur cette thématique.
Identifier le syndrome de l’imposteur
Quand je me sens submergée par une émotion, j’utilise une technique assez efficace : je cherche la définition de cette émotion et lit tout ce qui la concerne. Cela me permet de prendre du recul, de tenter de comprendre ce qui a provoqué cet état émotionnel. Cela me rappelle aussi que toutes les émotions constituent un état passager. Croisant régulièrement la route de ce bon vieux syndrome de l’imposteur, j’ai utilisé ce procédé et je vous propose de rassembler ci-dessous le fruits de ces recherches. Cela m’a aidée à ne pas m’attribuer tous les torts et j’espère que cela vous donnera quelques billes pour mieux vous comprendre.
Bien que le syndrome de l'imposteur ne soit pas un trouble reconnu dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), il s’agit d’un mécanisme psychique bien réel. Si douter de soi est plutôt sain, le syndrome de l’imposteur pousse le curseur un cran plus loin : dévalorisation, perte de confiance en soi, stress, anxiété et parfois même dépression. Savoir reconnaître le syndrome de l’imposteur constitue une étape importante pour le surmonter. Ainsi, on prend conscience du fait que certaines de nos pensées ne sont pas toujours représentatives de la réalité. On parle d’ailleurs de distorsions cognitives pour définir ces pensées qui amènent les individus à percevoir la réalité de manière inexacte.
Afin de vous aider dans cette prise de conscience, tâchez de répondre honnêtement aux questions suivantes :
- Est-ce que vous vous tourmentez pour les moindres erreurs ou défauts de votre travail ?
- Attribuez-vous votre succès à la chance ou à des facteurs extérieurs ?
- Êtes-vous très sensible à la critique, même constructive ?
- Avez-vous l'impression que l'on va inévitablement découvrir que vous êtes un imposteur ?
- Est-ce que vous minimisez votre propre expertise, même dans les domaines où vous êtes vraiment plus compétent que les autres ?
Si vous répondez par l’affirmative, il y a de grandes probabilités que le syndrome de l’imposteur ne vous soit pas étranger. Pas de panique, cela ne signifie pas que vous êtes condamné·e à vie ! Loin de là puisque près de 70% des personnes expérimenteraient ce phénomène à un moment de leur vie. Le tout, c’est de ne pas laisser trop de place à ce schéma de pensée négatif et qu’il ne vous bloque pas dans votre vie professionnelle ou personnelle.
Les types de syndrome de l’imposteur
Selon l’experte sur le sujet Valerie Young, il n’existerait pas une seule et unique manière de ressentir le syndrome de l’imposteur. Dans son ouvrage The Secret Thoughts of Successful Women : Why Capable People Suffer from the Impostor Syndrome and How to Thrive in Spite of It, elle détermine cinq typologies de ce phénomène :
Le ou la perfectionniste : Les perfectionnistes se fixent des attentes extrêmement élevées et même si ils ou elles atteignent 99% de leurs objectifs, c’est le sentiment d’échec qui va prévaloir sur le reste. Plutôt que de se concentrer sur leurs points forts, ils ou elles ont tendance à faire une fixation sur leurs défauts ou leurs erreurs. Cela entraîne souvent une forte pression sur soi et une grande anxiété.
Le super-héros / la super-héroïne : Parce que ces personnes se sentent inadéquates, elles se sentent obligées de travailler plus dur que leur entourage, pour prouver qu’ils ou elles ne sont pas des imposteurs. Elles ressentent le besoin de réussir dans tous les aspects de la vie – au travail, en tant que parents, en tant que partenaires – et peuvent se sentir stressé·es lorsqu'ils n'accomplissent pas quelque chose.
L'expert·e : Ces personnes ressentent le besoin de connaître chaque information avant de démarrer un projet et recherchent constamment de nouvelles certifications ou formations pour améliorer leurs compétences. Par exemple : elles ne postuleront pas à un emploi si tous les critères de la fiche de poste ne sont pas cochés, elles pourraient hésiter à poser une question en classe ou à prendre la parole lors d'une réunion au travail pa peur de paraître stupides.
Le génie naturel : Dans cette catégorie se trouvent celles et ceux qui considèrent que leurs habiletés sont innées. Que leurs compétences ne sont pas le fruit de leurs efforts. À telle point, que s’ils ou elles consacrent trop de temps pour maîtriser un nouveau savoir, ils se sentent coupables. Tout comme les perfectionnistes, ils se fixent des objectifs très exigeants, mais contrairement aux perfectionnistes, ils considèrent qu’ils doivent y parvenir du premier coup.
Le ou la soliste : Ces personnes ont tendance à être très individualistes et préfèrent travailler seules. Leur estime de soi découle souvent de leur productivité, et elles rejettent donc souvent les offres d'aide. Elles ont tendance à considérer que demander de l'aide est un signe de faiblesse ou d'incompétence.
Cette typologie propose ainsi une grille de lecture intéressante pour cerner le syndrome de l’imposteur. Se reconnaître dans une description aide à mieux se connaître. Cependant, je trouve qu’elle est un peu réductrice et suis convaincue qu’il existe plus de profils, d’autant plus qu’on est potentiellement tous et toutes concerné·es. Mais c’est aussi pour cela qu’elle est importante : c’est un support à partir duquel on peut échanger, qu’on soit d’accord ou non avec le contenu.
Comprendre le causes du syndrome de l’imposteur
L’environnement familial, la société, notre personnalité ou encore le fonctionnement de notre cerveau jouent un rôle dans la manière dont nous nous percevons. Dans leur étude, Pauline Rose Clance et Suzanne A. Imes se concentrent sur les stérotypes de genre et la dynamique familiale. Néanmoins, des recherches plus récentes montrent que les personnes issues de tous les milieux, âges et genres sont concernées. Voici quelques facteurs qui favorisent l’émergence du sentiment d’imposture :
—> L'éducation familiale
Faisant suite aux travaux de Clance et Imes, les chercheuses Sijia Li, Jennifer L. Hughes, and Su Myat Thu mènent une étude sur la corrélation entre les styles d'éducation parentale et le syndrome de l’imposteur. Elles déduisent que les familles dans lesquelles le contrôle et la surprotection sont très présents contribuent au développement d’un sentiment d’imposture chez les enfants. Grandir dans un environnement familial conflictuel joue aussi un rôle sur la sécurité émotionnelle et la confiance en soi.
—> Une nouvelle opportunité professionnelle ou scolaire
Commencer un nouveau travail est une expérience est une expérience excitante, qui peut aussi être une source de stress. En effet, les phases de transition favorisent l’apparition du syndrome de l’imposteur. Pourquoi ? Parce qu’on sort de notre zone de confort. La zone de confort, c’est l’état psychologique dans lequel on se sent à l'aise et dans une certaine forme de contrôle, avec un faible niveau de stress et d'anxiété. L’entrée à l’université ou l’arrivée à un nouveau poste s’accompagne d’une forme de pression à la réussite : la nécessité de faire ses preuves dans un univers dont on ne cerne pas toujours les codes. Cette situation peut faire émerger un sentiment d’inadéquation. C’est la raison pour laquelle l’accompagnement du corps enseignant ou du management est primordial afin de créer un cadre de travail rassurant, qui favorise l’échange et la mise en confiance des nouveaux et nouvelles arrivant·es.
—> L’origine ethnique et sociale, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’handicap, la neuroatypie
Les personnes racisées, handicapées, neuroatypiques ou appartenant à la communauté LGBTQIA+ semblent aussi particulièrement concernées par le syndrome de l’imposteur. L’une des explications tient dans le fait qu’elles aient possiblement subi une ou des formes de discrimination, qui écorche la confiance en soi et la santé mentale. En cela, c’est la société qui favorisent l’apparition d’un sentiment d’imposture : notre perception de nous-mêmes se contruit en partie sur le regard de l’autre. Si la société favorisent une communauté en particulier, les personnes qui n’appartiennent pas à celle-ci se sentent exclues, voire rejetées. C’est pour cela que le fait d’avoir des représentations est si important : si je vois une personne qui me ressemble à un poste important, il y a de fortes chances que je me sente plus légitime que si je n’ai aucune figure à laquelle je peux m’identifier.
—> La personalité
Certains traits de personnalité ont également été associés à un risque plus élevé de souffrir du syndrome de l'imposteur. Dans une étude menée en 2019, des chercheur·ses de l’université de Standford ont défini quelques traits qui joueraient un rôle :
Faible auto-efficacité : L'auto-efficacité désigne la croyance en votre capacité à réussir dans une situation donnée. Elle joue un rôle non seulement dans la façon dont vous vous sentez par rapport à vous-même, mais aussi dans le fait que vous réussissiez ou non à atteindre vos objectifs dans la vie.
Perfectionnisme : Souvent moqué lors des entretiens d’embauche, le perfectionnisme est pourtant un réel trait de personnalité. Les perfectionnistes sont souvent des personnalités obsessionnelles, qui s'efforcent compulsivement et sans trêve d'atteindre des buts irréalistes. Pour se protéger et se rassurer, ces personnes ont besoin d'éprouver en toutes circonstances un sentiment de contrôle.
L’émotivité : Les personnes très émotives vivent tous les changements de façon très intense. Elles sont plus souvent sujettes au stress, sautes d’humeur ou à l’anxiété.
—> Anxiété sociale
L'anxiété sociale est une peur associée à certaines activités sociales ou à de situations de performance où la personne pourrait se sentir observée, embarrassée, humiliée, rejetée ou préoccupée par le jugement des autres. Le syndrome de l'imposteur et l'anxiété sociale peuvent se chevaucher. Pour désigner la présence simultanée de plusieurs diagnostics, on utilise d’ailleurs le terme “comorbité”.
Une personne souffrant d'anxiété sociale peut avoir l'impression de ne pas être à sa place dans des situations sociales ou de performance. Si les symptômes de l'anxiété sociale peuvent alimenter le syndrome de l'imposteur, cela ne signifie pas que toutes les personnes qui en souffrent ont une anxiété sociale ou vice versa. Les personnes qui ne souffrent pas d'anxiété sociale peuvent également ressentir un manque de confiance et de compétence. Le syndrome de l'imposteur amène souvent des personnes normalement non anxieuses à éprouver un sentiment d'anxiété lorsqu'elles se trouvent dans des situations où elles se sentent inadéquates.
Ces éléments d’explication permettent de comprendre la manière dont notre propre perception est influencée par des facteurs internes et externes. Ces causes ne sont ni exhaustives ni des facteurs de déterminisme : ce n’est pas parce que vous avez grandi dans une famille conflictuelle que vous allez obligatoirement douter de vos capacités. Nous sommes des êtes complexes, avec nos propres expériences, qu’il serait bien présomptueux de résumer avec un simple lien de causalité. Dans le prochain volet, nous verrons les solutions qu’on peut mettre en place pour lutter contre le syndrome de l’imposteur. Pour recevoir la newsletter, vous pouvez vous abonner en cliquant ici. Et comme d’habitude, je vous laisser terminer sur une petite touche de mignonitude avec ce phoque qui vous fait coucou.
L’article : “D'où vient le syndrome de l'imposteur ?”, écrit par Maud Navarre
Le podcast : Syndrome de l'imposteur : pourquoi avons-nous l'impression d'être nuls ?, replay de l’émission “On est fait pour s'entendre” avec Flavie Flament du 14 janvier 2019, diffusé sur RTL
La musique : Power to the People (Damon Jee remix) - Pardon Moi